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Goodyear : Donnons toutes ses chances au projet de SCOP

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L’annonce par l’avocat des salariés de Goodyear d’un projet de reprise en SCOP (Société Coopérative de Production) a surpris les observateurs. Car si des projets similaires fleurissent en France à mesure que se multiplient les plans sociaux  - on connaît les cas de Fralib avec les thés Lipton, ou de MyFerryLink - rares sont les projets industriels qui concernent des sites de plus de 1000 salariés. Des Cassandres ont raillé l’initiative, la qualifiant de farce.  A tort, car les salariés de Goodyear ont des atouts majeurs en main. Sur le marché du pneumatique en croissance constante, ils sont positionnés sur le segment très rentable des pneus agraires, avec un outil industriel performant, convoité un temps par un repreneur américain. Souhaitons que les acteurs publics (Ministères du Redressement Productif et de l’Economie Sociale et Solidaire), collectivités et réseaux d’entrepreneurs locaux  se mobilisent énergiquement aux côtés des salariés pour donner toute ses chances à ce projet.  

 

Le premier atout des Goodyear tient au marché du pneumatique lui-même. Marché de consommable, constitué aux trois quarts par l’activité de remplacement, il est en croissance quasi-constante depuis les débuts de l’automobile. Bien loin de subir la chute des ventes de véhicules neufs comme les constructeurs, le marché pneumatique suit la croissance du parc automobile mondial. D'ici 2030, la distance parcourue en voiture devrait croître de près de 50% par rapport à 2000 et le fret routier de 75%[1]. Les grands groupes leaders comme Michelin, Goodyear-Dunlop ou Bridgestone continuent ainsi d’enregistrer des profits record malgré la crise. Les fermetures de site ont pour but d’améliorer encore la rentabilité, et non de réduire les volumes produits.

Sur ce marché en croissance, la production de pneus d’engins agricoles, activité phare du site Goodyear à Amiens, fait partie des plus rentables. C’est précisément le segment de marché qui avait aiguisé l’appétit de l’américain Titan, parmi les leaders mondiaux du secteur. Reconnaissant la bonne qualité de l’outil industriel amiénois, mais demeurant trop flou sur les garanties d’emploi, ce groupe n’a pu s’entendre avec les salariés. C’est à regret, et avec fracas, qu’il a été contraint d’abandonner le projet de reprise du site.

Mais existe-t-il des exemples de SCOP couronnées de succès dans l’industrie automobile, qui plus est, avec des effectifs dépassant le millier de salariés ? Nul besoin d’aller chercher très loin : ACOME, sous-traitant automobile dans la région voisine de Normandie est une SCOP qui emploie 1430 personnes et a conquis une place de leader européen sur les marchés de l’automobile et de l’embarqué, des réseaux télécoms et infrastructures[2]. Avec un chiffre d'affaires consolidé de 425 millions d'euros en 2011 dont 59% à l'étranger, ACOME est un groupe international pérenne qui dispose d’usines en France, au Brésil et en Chine pour conquérir de nouveaux marchés.

Si le contexte apparaît donc très favorable à ce projet de SCOP, les conditions indispensables au succès doivent être réunies.

L’offre de reprise des salariés doit pouvoir être prioritaire, et un droit de préemption doit leur permettre de devenir propriétaires de leur outil de travail. Le gouvernement nous promet une loi[3] dans ce sens sur la reprise des sites rentables. Il serait bon qu’il ne tarde pas.

Les capitaux nécessaires risquent de dépasser les capacités financières des salariés volontaires pour la reprise. Il serait bienvenu que la Banque Publique d’Investissement, nouvellement crée et richement dotée (42 milliards d’euros) confirme son intérêt pour le projet.

Enfin, salariés, syndicats et avocats ont besoin d’être épaulés dans l’élaboration du plan de reprise. Les compétences de réseaux d’entrepreneurs locaux (Réseau Entreprendre[4]) pourraient être sollicitées, tout comme des cadres ayant exercé des responsabilités de haut niveau chez le concurrent national Michelin. Conseils Régional et Général doivent mettre à disposition tout leur savoir-faire dans l’accompagnement technique et financier de ce type de projets. Des compétences sont également à solliciter auprès des Ministères du redressement productif et du Ministères de l’Economie Sociale et Solidaire, tous deux en pointe sur le sujet des reprises en SCOP. Nos parlementaires locaux, forts de leurs importants relais auprès du gouvernement, sont des atouts précieux pour donner l’élan et la vision politique nécessaires à la réalisation de ce projet.

En réunissant les conditions juridiques, financières et les ressources humaines indispensables à l’élaboration d’un projet solide, les responsables politiques ont l’occasion de démontrer leur capacité à agir en faveur de la préservation de l’emploi et du produire en France. Le modèle coopératif est profondément en phase avec notre modèle républicain français : il permet à la fois une responsabilité plus grande, une visée humaniste et un ancrage territorial. Donnons toutes ses chances au projet de reprise en SCOP des salariés de Goodyear, qu’il devienne l’emblème de ce combat destiné à remettre l’économie au service de l’homme et de son territoire.

Jean-Christophe LORIC

Entrepreneur - Conseiller Général de la Somme

Vice-Président du Club des Entreprises de la Zone Franche Urbaine d’Amiens Nord

 



[1] http://www.jobtech.fr/Michelin/le-marche-du-pneumatique-situation-et-strategie-de-michelin.cfm

[2] http://www.acome.fr/fr/Corporate/Groupe/A-propos-d-ACOME

[3] http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/0202564942748-reprise-des-sites-rentables-le-ps-deposera-une-proposition-de-loi-mi-juin-538139.php

[4] Réseau Entreprendre est une association française reconnue d’utilité publique regroupant environ 9 000 chefs d’entreprise qui accompagnent bénévolement chaque année 500 nouveaux dirigeants créateurs d'entreprises.


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